- ténèbre
- ténèbre [tenɛbʀ] n. f.ÉTYM. 1080, au plur., Chanson de Roland; lat. tenebræ.❖A Plur.1 Obscurité profonde, considérée le plus souvent comme un milieu matériel. || Sombre nuit, aveugles (cit. 31) ténèbres. || « Dieu appela les ténèbres nuit » (Genèse; → Jour, cit. 1). ⇒ Nuit. || Passer (cit. 41) de la lumière aux ténèbres. ⇒ Ombre. || Dans les ténèbres d'un cachot (cit. 2). ⇒ Obscurité. || Ténèbres qui enveloppent les objets (→ Oblique, cit. 2), envahissent (cit. 14) un lieu, s'épaississent (→ Exploser, cit. 4). || Le voile (→ Incendie, cit. 6), l'épaisseur des ténèbres (→ Lune, cit. 4). || Ténèbres épaisses. — (Fin XVIIe). || Ténèbres de la mort : obscurcissement de la vue à l'approche de la mort.1 Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres;Adieu, vive clarté de nos étés trop courts !Baudelaire, les Fleurs du mal, « Spleen et Idéal », LVI, I.2 Mais les ténèbres, de plus en plus lourdes, restaient sourdes à mon désir, et il me semblait par moments que j'avais tout entière contre moi l'inébranlable masse de la nuit.H. Bosco, Un rameau de la nuit, p. 233.3 Un soir, une courte panne d'électricité l'ayant surpris dans le vestibule de son petit appartement de célibataire, il tâtonna un moment dans les ténèbres et, le courant revenu, se trouva sur le palier du troisième étage.M. Aymé, le Passe-muraille, p. 7.♦ Par métaphore, fig. Obscurité dans laquelle on se cache. || N'avoir plus de ténèbres où se cacher (→ Hypocrite, cit. 3). || Le vice est ami des ténèbres (→ Évaporer, cit. 5).4 Lâches ennemis ! Ne savez-vous qu'injurier bassement, machiner en secret et frapper dans les ténèbres ?Beaumarchais, Mémoires… dans l'affaire Goëzman, p. 118.2 (1553). Relig. (Écriture sainte). Le domaine des âmes rejetées par Dieu (opposé à lumière de Dieu). || Esprits (cit. 29 et 30) de ténèbres (→ Démon, cit. 13). || Puissances, anges des ténèbres (→ Illusoire, cit. 3). — (1690). || Le prince des ténèbres. ⇒ Démon (II., 2.). || Abîme(s), empire des ténèbres : l'enfer (→ Ange, cit. 11). — (1553). || Œuvre de ténèbres (vx) : œuvre de Satan; par ext., machination diabolique.5 Ici commence l'œuvre de ténèbres dans lequel, depuis huit ans, je me trouve enseveli, sans que, de quelque façon que je m'y sois pu prendre, il m'ait été possible d'en percer l'effrayante obscurité.Rousseau, les Confessions, XII.3 (V. 1280). Liturgie cathol. || Office des ténèbres : office de nuit du jeudi et du vendredi saints pendant lequel on éteint les lumières de l'église. || Les leçons de ténèbres : leçons prononcées à l'occasion de cet office; composition musicale sur des textes de l'office des ténèbres (XVIIe). || Les Leçons de ténèbres, de Charpentier. Par ext. (avec majuscule). L'office lui-même. || Dire Ténèbres (Boileau, le Lutrin, IV).4 (Fin XIIe). Fig. Obscurité de ce qui est difficile à connaître, à comprendre, de ce qu'on ne peut élucider. || Les ténèbres de l'ignorance (→ Erreur, cit. 14). || L'intuition, vue du cœur (cit. 168) dans les ténèbres. || Une lueur dans les ténèbres (→ Entrevoir, cit. 8). || Les ténèbres de l'enfance de la terre (→ Révolution, cit. 21). || Les ténèbres de l'inconscient (cit. 10; → Psychanalyse, cit. 3). || Les ténèbres de la métaphysique (1. Métaphysique, cit. 5). ⇒ Brouillard.5.1 On ne trouve les diamants que dans les ténèbres de la terre; on ne trouve les vérités que dans les profondeurs de la pensée.Hugo, les Misérables, I, VII, III.6 (Le miracle) se joue volontiers, au contraire, dans les ténèbres de la pathologie interne et se plaît surtout aux maladies nerveuses.France, le Jardin d'Épicure, p. 207.♦ Ce qui n'a pas été touché par les lumières de la raison, du progrès. || L'homme montant des ténèbres à l'idéal (→ Siècle, cit. 9). || Les ténèbres du moyen âge. ⇒ Barbarie. || Les ténèbres des sciences occultes (→ Antre, cit. 5), de l'islamisme (→ Germe, cit. 11). ⇒ aussi Obscurantisme. || Répandre les ténèbres sur l'intelligence humaine (→ Obscur, cit. 4). ⇒ Erreur.7 Sous la famille royale, les ténèbres de la barbarie se dissipent, la langue se forme, les lettres et les arts produisent leurs chefs-d'œuvre, nos villes s'embellissent (…)Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. VI, p. 311.B Sing. Littér. Obscurité profonde (→ Blancheur, cit. 4; hésitation, cit. 8).8 Effacer la peine de mort de nos lois : c'est un honneur qu'il nous faut mériter, et d'abord en nous inquiétant de savoir ce que sont devenues les quelques milliers de personnes qui ont disparu dans cette ténèbre où nous cherchons Maurice Audin.F. Mauriac, le Nouveau Bloc-notes 1958-1960, p. 21.9 Qu'il était loin déjà de la paix dominicale du premier jour dans la ténèbre parisienne !Marie-Claire Blais, Une liaison parisienne, p. 57.❖CONTR. Lumière.DÉR. Ténébrescence, ténébrescent.COMP. Enténébrer.
Encyclopédie Universelle. 2012.